Jean Becker , réalisateur
Deux jours à tuer est tiré d’un roman de François d’Epenoux. Comment avez-vous connu ce roman ?
C’est une amie qui me l’a donné à lire. Nous étions ensemble en Ecosse. J’ai été tellement fasciné. J’espérais que j’arriverai à « emmener » certains spectateurs jusqu’au bout, alors que d’autres penseront avoir trouvé le « truc » avant Je voulais aller au bout de ça. Dans le livre, on comprend plus vite, et la fin n’est pas du tout pareil. Mais l’auteur, qui a travaillé avec moi sur le scénario, ne se sent pas du tout frustré, il est très content du résultat. Il adore ce film !
Le roman est beaucoup plus dur que le film. J’ai trouvé que ce roman était trop difficile. Le personnage y bat ses enfants. Il y est terriblement antipathique. Malgré tout, je trouvais que cet homme avait une telle motivation que j’arriverais dans l’écriture, que j’ai faite avec l’auteur, à atténuer cette férocité. [spoiler] En plus, je savais qu’il fallait que je trouve une fin différente pour montrer que cet homme avait une humanité plus forte que ce qu’il avait dans le livre. J’ai alors inventé la troisième partie du film, la partie irlandaise, qui n’existe pas dans le roman.
Pourquoi l’Irlande ?
Un jour j’ai passé des vacances en famille en Irlande. Un moment tellement formidable. J’avais gardé ce souvenir en pensant que ça convenait bien à la « fin » d’un homme. J’avais également passé quinze jours sous la pluie, une espèce de bruine… et sur le tournage nous n’avons eu que du soleil. J’ai donc fait finalement le tournage sous le beau temps.[spoiler]
Le tournage avec votre fils comme producteur ?
C’est le troisième que nous faisons ensemble. Je suis tellement heureux de travailler avec lui. On s’entend bien, on s’engueule. On a de très bons rapports professionnels, ainsi que père-fils.
Qu’est ce qui vous intéresse dans le thème de la survie dans un milieu hostile ?
Y a une phrase qui est très dure, mais je la fais mienne. « C’est comme si on avait vécu dans un château, dont on a vu que les chiottes. » On a souvent cette impression dans la vie, de passer à côté des choses, de ne pas aller jusqu’au bout des choses qu’on aimerait vivre, de rater des évènements sentimentaux, simplement parce que notre préoccupation première est un peu terre à terre, un peu au jour le jour, on ne voit pas plus loin que le bout de notre nez.
A propos du couple Marie José Croze et Dupontel ?
Ce qui m’a convaincu chez Albert, c’est qu’il est un personnage « inquiétant ». Cette personnalité allait tout à fait dans le sens du film. Quelqu’un a dit que ce film allait finir dans un bain de sang connaissant Dupontel. Ca paraît con, mais Albert a ça en lui, une espèce de violence rentrée.
J’ai enlevé une demie heure de film. Des scènes m’ont perturbés. Des scènes où Albert Dupontel est à poil dans l’eau à hurler à la mort, notamment. C’était pas mon truc. Je trouvais que cet homme avait plus de pudeur que ça. Il ne devait pas jouer à la victime. Il n’a jamais voulu montre sa défaillance morale et physique.
J’avais revu Marie Josée dans Invasions barbares, Munich… C’est la douceur et en même temps une espèce de force de caractère qui fait qu’elle ne doute jamais de l’amour de cet homme, même quand il la maltraite au possible. Elle a eu également une volonté de faire ce film. Elle avait lu le script. Son agent, le même qu’Albert, lui avait donné le script, et elle a appelé mon fils lui disant qu’elle voulait faire ce personnage.
Pourquoi ce film s’est il enchaîné si vite avec le précédent, Dialogue avec mon jardinier ?
Quand j’ai travaillé sur Dialogue, que j’avais écrit pour Jacques Villeret… Ce "connard" est mort… (long silence)… alors j’ai abandonné…
J’ai travaillé alors sur un autre projet, Deux jours à tuer. Et quelqu’un m’a alors dit que même si Jacques était mort, il fallait quand même faire ce film. Il y a d’autres personnes qui conviendraient. On m’a alors fait penser à Jean Pierre Daroussin que j’ai rencontré. J’ai parlé avec lui. Je l’avais vu dans un air de famille où il était calme, gentil. On a parlé. Il était très chaud. J’ai envoyé le script à Auteuil. Je voulais faire avec des personnes différents physiquement aussi. Deux jours après, il était en Italie, il m’a répondu « je le fais ». Le film est donc parti, mais j’avais aussi l’autre script. Et mon fils qui est malin, a vendu les deux scripts à Studio Canal et j’ai été obligé de tourner les deux films dans la foulée. Mais j’ai pas l’habitude de tourner si vite, comme vous savez.
Parlez nous de votre carrière, notamment de vos deux longs arrêts.
Après le dernier film que j’ai fait avec Belmondo (tendre voyou), j’ai arrêté le cinéma, sur un succès. Jean Paul est un ami que j’aime beaucoup et qui m’a donné deux fois ma chance. Je ne voulais pas qu’on puisse dire que je m’accrochais à lui. J’avais pas de scénario, donc j’ai arrêté. On m’a proposé un feuilleton télé, et j’ai travaillé avec deux acteurs avec qui mon père avait travaillé : Daniel Gélin et Micheline Presle. Le feuilleton s’appelait Les saintes chéries. J’ai fait 39 épisodes. Cà m’a pris du temps. Puis pour gagner ma croûte, car la télé ça payait pas terrible, j’ai fait de la pub, tout en continuant à travailler sur un scénario avec Japrisot. Un jour il m’a envoyé un bouquin en me disant qu’il avait fait son boulot et que c’était à moi de faire le mien. C’était L’été meurtrier qui a énormément bien marché. Après on remet son titre en jeu… Mais entre temps, j’avais monté une boite de pub avec un ami. Il y avait quelques salariés donc il fallait faire tourner la boutique. Alors j’ai arrêté de nouveau le cinéma pour refaire de la pub. Et un jour j’ai appris que la petite Vanessa (Paradis) voulait tourner avec moi. Ca m’a touché, alors j’ai écrit un scénario pour elle, Elisa, et j’ai fait le film.
Interview réalisée lors des rencontres du cinéma de Gerardmer 2008
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